Eglise de saint-Victor-de-Réno

Entre la forêt de Réno-Valdieu et le cours de la Commeauche alimentant autrefois sept moulins (à farine ou papeterie, scierie, fonderie à fer, tréfilerie…) la double activité agricole et industrielle de la commune n’a pas altéré l’agrément touristique de son cadre naturel.

Cette région devait être encore bien sauvage quand saint Victeur,évêque du Mans, vint l’évangéliser au V°siècle. Le village a adopté en le modifiant à peine, le nom de ce saint patron qu’on voit, prêchant aux paysans, sur la peinture du retable dans le choeur de l’église.

L’abside conserve l’aspect extérieur de sa fondation au XII°s., la nef ayant été sans doute réédifiée au XVI°s. avec le pignon plat encadré de contreforts aux angles et percé d’une niche occupée par la statue de saint Gilles. La voûte lambrissée et les fenêtres de style flamboyant datent de cette époque. Malgré le haut clocher pointu couvert d’ardoises, la silhouette de l’église est malheureusement alourdie par le bas-côté ajouté en 1823 et ses toits perpendiculaires.

On admirera la belle ordonnance monumentale du retable de pierre du XVII°s., et les détails des fines statuettes de bois doré du tabernacle.
Les oeuvres de facture régionale sont souvent difficiles à dater. Ainsi, dans une niche sur le bas-côté, le Vierge à l’Enfant, de pierre peinte, a l’attitude déhanchée des sculptures du XIV°s., avec un style plus tardif dans le modelé des visages et des vêtements, ce qui n’enlève rien à son charme plein de douceur.

Du même côté, sur le retable à pilastres, sainte Marthe s’active aux tâches matérielles. Sa statue provient de l’ancien prieuré de La Madeleine de Réno, dépendant de l’abbaye de Thiron. Là, dans la niche au-dessus du vieux portail roman, la statue de sainte Madeleine, d’époque Renaissance, est encore recueillie dans la paix de la contemplation.

Pourtant sont restés célèbres pour leur humeur batailleuse les Gruel, seigneurs de la Frette, dont le château dominait la vallée. Guillaume Gruel avait combattu en 1450 à Formigny, victoire sur les Anglais qui rendit la Normandie à la France.
Claude Gruel, commandant une compagnie de soldats du roi, participa le 2 août 1589 à la reprise de Mortagne, occupée par les troupes de la Ligue, et se rallia aussitôt à Henri IV, qui le fit gouverneur de Chartres. Son fils, Pierre Gruel de la Frette, capitaine des gardes de Gaston, duc d’Orléans, avait été mêlé à un complot pour l’assassinat de Richelieu. Dès la mort de Louis XIII, il gagna Saint-Germain avec deux cents gentilshommes armés de sa région pour soutenir les prétentions du duc d’Orléans à exercer la Régence du royaume durant la minorité du jeune roi âgé de cinq ans.

Ce coup de force échoue et le parlement de Paris confirme les pouvoirs de la reine Anne d’Autriche comme régente.

Pierre Gruel succède à son père comme gouverneur de Chartres.
Ses deux fils aînés, Gaston, marquis de la Frette, et Nicolas, marquis d’Avrilly, « les deux hommes de France les mieux faits et les plus avantageux » selon Saint-Simon, furent bannis de France par Louis XIV à la suite d’un duel collectif à Chaillot le 20 janvier 1662, où fut tué le jeune beau-frère de la marquise de Montespan.

Le roi toléra plus tard leur retour, mais avec interdiction de paraître à la cour et de contracter mariage.
Les cinq frères Gruel moururent sans descendance et leurs vastes domaines de La Frette, Feillct, La Ventrouze, Charencey furent adjugés en vente publique en 1708 par arrêt du parlement.
Le château de La Frette a disparu. Seul souvenir des châtelains, dont les tombes ont été profanées à la Révolution, le fragment d’un vitrail offert en 1550 par Marguerite Auvé, dame de la Ventrouze, lors de son mariage avec Claude Gruel : auréolé de rayons d’or, le beau visage de la Vierge couronnée veille sur SaintVictor-de-Réno.


Pour visiter l’église s’adresser à la Marie.