Eglise de Saint-Christophe-sur-Avre

Vu de la grande route aménagée au XVIII°siècle, le fin clocher d’ardoises pointe de l’autre côté de la vallée, au-dessus du village bâti sur le tracé de l’ancienne voie romaine venant d’Evreux. Elle longeait l’Avre et se séparait aux alentours de l’actuel carrefour Sainte-Anne en deux bras, l’un vers Chartres-Orléans, l’autre vers le Mans. Depuis une époque très ancienne, la paroisse occupant ce lieu de passage, d’où un chemin permettait de franchir à gué la rivière, porte le nom de saint Christophe, patron des voyageurs. Sa statue dans l’église fait pendant à celle de saint Jacques de Compostelle, patron des pèlerins.
De saint Christophe, qui prêcha dans la province de Lycie en Asie Mineure et mourut martyr au 1 ° siècle, on ne sait pas grand-chose en vérité, mais la légende s’en est emparée pour en faire une des grandes figures de l’imaginaire médiéval.
Géant robuste et simple d’esprit, après avoir servi le roi de sa région, puis le diable lui-même, il cherche à se dévouer au service d’un plus fort que lui. Un pieux ermite lui conseille, à défaut du jeûne et de la prière, de servir Dieu en aidant les voyageurs à passer un fleuve profond et dangereux. Christophe se bâtit une cabane, et, se servant du tronc d’un jeune arbre cri guise de bâton, il transporte les gens d’une rive à l’autre. Une nuit, il est éveillé par la voix d’un enfant qui l’appelle. Il le prend sur son dos et, armé de son bâton, s’engage dans l’eau, qui se fait à chaque pas plus profonde, tandis que l’enfant se fait de plus en plus lourd.
Atteignant enfin difficilement l’autre rive pour y déposer son passager, il lui dit qu’il pensait porter sur ses épaules le poids du monde entier. Le petit enfant lui répond : « Ne sois pas étonné, tu as porté celui qui a créé le monde. Je suis le Christ, celui que tu sers depuis des années en te dévouant au service des passants. » La belle statue qu’on peut admirer à gauche, dans le choeur de l’église, donne un relief saisissant à la silhouette du bon géant aux jambes nues sous sa robe retroussée, appuyé sur son bâton noueux. Le sculpteur a traduit l’expression émouvante de son visage inquiet tourné vers l’enfant Dieu sur son épaule, qui tient le monde dans une main et le bénit de l’autre. Riche de signification, l’image de CHRISTOPHOROS – en grec, « celui qui porte le Christ » – s’est trouvée très largement répandue dans tout l’Occident chrétien.
Dans l’autre niche à droite de l’autel, saint Jacques le Majeur est représenté, selon la tradition, avec la besace et le bâton, coiffé d’un large chapeau orné de la coquille, dans le costume des pèlerins qui cheminaient à pied jusqu’à Compostelle pour aller vénérer ses reliques.
Le Christ en croix fixé au-dessus de l’ogive du choeur, avec, plus bas de chaque côté, la Vierge et saint Jean en prière, complètent cet ensemble de sculptures peintes du XV°siècle, d’une valeur artistique exceptionnelle pour une église de campagne.
Les dalles en grès des anciennes tombes des seigneurs se voient encore dans le pavage à l’entrée de l’église. Elle est précédée d’un curieux porche avancé, dont les piliers en briques en façade sont incrustés de morceaux de laitier de verre.
Avec sa toiture de tuiles, bordée d’épaisses rives de pierre aux pignons, dont l’un surmonté d’une petite tête d’ange sculpté, cette belle église règne comme une grande dame du temps jadis au centre du village.